Je fait l'école à la maison

Article écrit pour ahly magazine.

L’instruction en famille (IEF) s’avère être le choix de plus en plus de familles. C’est le cas de Naoual et Mahdiya qui nous livrent leur témoignage sur l’IEF.


Marina : « Ce qui nous a conforté dans notre choix c’est d’avoir placé notre confiance en Allah qui a mis en nous une sérénité »

Je suis Marina, j’ai 29 ans et je suis maman de deux petites filles : ma grande que j’appellerais ici N. a 5 ans ½ (née an 2011) et ma deuxième M. a 3 ans (née en 2013). Et récemment bébé 3 (né en 2016) qui est venu agrandir cette fratrie. Nos filles n’ont jamais été scolarisées et nous avons fait le choix de l’IEF.
En fait cette idée a germé en moi lors de ma 1ere grossesse. Je suis monitrice éducatrice de formation, j’ai exercé quelque temps dans ce milieu qui me passionne. Lorsque j’ai senti mon bébé grandir en moi, je me suis dit qu’il me semblait incohérent de retourner m’occuper d’autres enfants et de laisser les miens à d’autres personnes. Cela ne me convenait pas, je me sentais responsable de leur éducation et de tout ce que cela impliquait, je souhaitais donc en être l’actrice principale. C’est une décision que nous avons longuement mûrie avec mon époux, il nous a fallu du temps et beaucoup de questionnement pour évaluer si c’était vraiment ce qui nous semblait être le meilleur pour notre famille. Al hamdulillah aujourd’hui nous en sommes convaincus.
Mes filles sont encore petites et devraient être en maternelle, ma grande néanmoins a un niveau CP mais avoir une année d’avance n’est pas rare en IEF. En effet cela nous permet d’avancer au rythme de l’enfant et non pas de lui imposer un rythme global et général qui ne lui conviendra peut-être pas.
Notre manière de faire pour le moment est assez proche de ce que l’on appelle l’unschooling. Mais contrairement à ce que l’on peut penser cela ne signifie pas aucun travail formel. Mais plutôt pas de cours magistraux ni de thèmes imposés.
Depuis que N. est petite, je suis ce qui l’intéresse. Très tôt elle a souhaité lire, nous avons donc abordé la lecture et à 4,5 ans elle a su commencer à lire, plus tard elle s’en est détournée, tout comme elle s’est détournée des exercices dans les cahiers pour se passionner pour la nature, les animaux et s’enrichir au travers de reportages, de lectures que nous lui faisions et d’insatiables questions auxquelles nous tentions de trouver des réponses. C’est d’ailleurs ce qui m’a inspiré le cahier des questions dans lequel je note celles qu’elle me pose et nous cherchons ensuite les réponses. Cela lui apprend à trouver les supports adéquats pour faire des recherches dans les domaines qui l’intéressent. Ce sont les apprentissages informels.
Depuis peu elle revient vers la lecture et elle a fait un bond en avant quant à la fluidité avec laquelle elle lit et la compréhension de ce qu’elle lit.
En fait en apprenant par le jeu ou tout autre support qui intéresse l’enfant c’est comme si l’apprentissage était beaucoup plus rapide. Par exemple il a suffit de passer 10 minutes sur le sol à compter des cailloux pour qu’elle intègre le principe de multiplication.
M. quant à elle a plus de facilités pour tout ce qui est manuel et apprend énormément par l’observation et le mimétisme. C’est aussi ce qui fait qu’aujourd’hui elle apprend les lettres car elle veut lire, comme sa sœur : et bien lisons !
Je ne suis aucune pédagogie en particulier mais m’inspire de plusieurs en les mixant à notre convenance pour trouver ce qui convient le mieux à chacun de nous, car chaque enfant est différent et ce qui marche pour l’un ne marchera pas forcément pour l’autre. Il est important que le tout convienne aussi aux parents qui se chargent de l’instruction. Je m’inspire donc de la pédagogie de Maria Montessori, de Charlotte Mason, de Steiner. Les travaux d’Isabelle Filliozat sont aussi utiles bien que ne traitant pas d’instruction mais d’éducation. L’un et l’autre me paraissent indissociables surtout dans le cadre de l’IEF.
Je m’inspire aussi du modèle Québécois où j’ai vécu plus jeune. Pour la primaire, les élèves n’ont pas de champs de compétence à remplir chaque année, mais en fin du cycle de primaire. Ainsi ils sont acteurs de leur apprentissage et peuvent choisir une année de s’impliquer plus dans les mathématiques, l’autre dans l’histoire etc. Mais ils savent qu’à la fin du cycle de primaire ils devront avoir clos chaque module. Je trouve ça génial car en même temps cela donne un certain cadre tout en laissant l’enfant libre, autonome et responsable de son apprentissage.
Bref je pioche ci et là, j’observe mes filles, j’essaie de suivre leur rythme, de les stimuler en leur donnant le goût d’apprendre, c’est en fait cela qui me tiens le plus à cœur, leur donner l’envie d’apprendre, car si elles font les choses avec passion tout apprentissage leur sera facilité. Comme le disait Idriss Aberkane, Docteur en neurosciences notamment, dans l’une de ses conférences, si la nature (et je dirais même si Allah) a sélectionné le jeu comme moyen d’apprentissage privilégié au sein de la nature, faisons confiance à Sa sagesse. Ainsi le jeu et surtout en grandissant la notion de plaisir dans l’apprentissage, est selon moi la clé pour acquérir des connaissances de manière sûre, durable et efficace.
Je ne dirais pas que c’est toujours facile, parfois je doute, j’ai peur de mal faire etc. Mais quelques soient les choix que nous faisons dans la vie, je pense que rien n’est jamais dépourvu de difficultés. L’essentiel est de les surmonter. Ce qui nous a conforté dans notre choix c’est d’avoir placé notre confiance en Allah qui a mis en nous une sérénité et c’est ce qui nous a renforcé et soutenu jusqu’à aujourd’hui. Si un jour nous sentons que cela n’est plus ce qu’il y a de mieux, nous ne serons pas fermés pour envisager autre chose incha’Allah. Rien n’est immuable si ce n’est Lui !
L’éducation de nos enfants est une chose si essentielle, ils sont les générations futures, en faire des êtres intelligents est important certes, doués oui mais surtout pieux, ce qui implique bons, généreux, bienveillants, altruistes, patients etc. Afin qu’ils utilisent leurs connaissances pour contribuer à consolider plutôt que détruire l’harmonie de la création. C’est cela qui pourra incha’Allah apporter du bon en ce monde qui nous a été confié, comme ils nous ont été confié (nos enfants).
Qu’Allah nous facilite et nous permette de les accompagner au mieux, amine.
Naoual : « C’est une formidable aventure à vivre en famille »
Je suis maman de trois enfants de 9, 7 et 4 ans. Qui aurait cru il y a 3 ans que j’instruirais mes enfants à la maison ? En tout cas pas moi !! La responsabilité d’un tel acte me paraissait trop lourde à porter !
C’est au cours de l’année de CP de ma fille et MS (ndlr : moyenne section) de mon fils, alors que mon dernier approchait ses un an, que j’ai commencé à envisager sérieusement la chose. Ma fille et mon fils s’adaptaient plutôt bien au contexte scolaire mais je devais reprendre beaucoup de choses à la maison tant au niveau instruction qu’éducation au sens large du terme.
Mon mari et moi étions convaincus des bienfaits de l’instruction en famille pour l’équilibre et l’épanouissement des enfants et ce, dés le départ de la scolarisation de ma fille en maternelle… Néanmoins, n’étant pas assez forte pour affronter la pression sociale, notamment celle de mes plus proches parents, l’idée a fini aux oubliettes !
Quelques années plus tard, après mûre réflexion et en concertation avec les enfants, nous avons sauté le pas ! C’est ainsi que je nous ai fais confiance en m’en remettant à Allah pour qu’Il nous facilite.
Nous avons annoncé la nouvelle à nos proches, qui étaient plutôt réticents et ne comprenaient pas vraiment nos choix. Ceci dit, nous voulions les informer mais pas forcément leur consentement, simplement l’acceptation de notre choix d’éducation et d’instruction. Finalement, ce fut le cas el hamdouliLlah.
Pour commencer, j’ai suivi quelques formations pour avoir plus d’outils pédagogiques à offrir à mes enfants. Étant diplômée en psychologie, cela me permet d’adapter le mode de présentation des connaissances, mais je continue à me former au gré des leurs besoins.
Au quotidien, nous avons un espace dédié à l’instruction, où nous suivons des cours par correspondance avec des évaluations régulières à renvoyer et un professeur référent correcteur, présent pour toutes demandes. Cette formule permet aux enfants d’avoir un certificat de scolarité et un bulletin avec passage officiel de niveau en niveau, ce qui facilitera une éventuelle réintégration dans le système scolaire traditionnel.
Une journée typique commence par l’enseignement des mathématiques et du français le matin ; l’après midi est dédiée aux matières comme l’histoire, la géographie et les sciences. Cette année, nous avons mis en place des cours d’anglais hebdomadaires avec une autre famille « iefeuse », nous nous rencontrons tous les mercredis autour d’un thème pour pratiquer l’anglais comme une langue vivante!
Aussi, dés le départ nous avons adhéré à une association regroupant une centaine de familles de toutes origines, pratiquant ou pas l’école à la maison, qui organise régulièrement des sorties, rencontres et ateliers.
Ainsi donc, notre organisation n’est pas figée, elle peut varier selon les sorties et ateliers intéressants que l’on peut dénicher, ici et là, selon les envies du moment.
Cela fait trois ans maintenant, c’est une formidable aventure à vivre en famille. Certes, cela demande beaucoup d’organisation, de travail sur soi, de remise en question permanente et beaucoup d’énergie !! Mais ça en vaut la peine, je suis fière de l’évolution et du parcours de notre famille et de mes enfants, j’espère les accompagner encore longtemps ainsi.

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